Introduction à l’histoire des Bikers Australiens

Rachel Hebrard

L'Australie fait partie des pays comptant le plus grand nombre d'adhérents aux groupes bikers du monde. En effet, la présence de gangs en Australie remonte au 19eme siècle. La plupart étaient, dès l’origine, liés à des activités criminelles. Cependant, c'est essentiellement à partir des années 1960 que les gangs bikers hors-la-loi ont connu leur essor, attirant alors un large public.

• Les bikers : une contre-cutlure
Plongés dans l'Australie des années 60 qui revendique la tradition, les bikers sont un symbole de contre-culture et de rébellion. En recherche constante de liberté, ils ont soif de vitesse et de confrontation, tout en éprouvant le désir de maintenir le contact avec la nature grâce à leur principale alliée : la moto, véhicule à deux roues permettant au conducteur de se déplacer avec rapidité tout en restant à l'air libre. Le biker est avide du sentiment de puissance que peut lui procurer ‘a good ride’. Un parallèle apparait alors entre l'Australie et les Etats-Unis, tous deux, pays aux immenses étendues, berceaux de la culture biker, où celle-ci s'est imposée de manière magistrale. En ce sens, on pourrait dire que l'Australie est l'un des seuls pays où la culture biker a pu se développer de façon ‘‘similaire’’ à celle des Etats Unis. Les grands gangs bikers aux USA se sont développés internationalement, et se divisent en gangs localisés nationalement, appelés aussi ‘‘chapitres’’ dans différents pays du monde : l’Australie, le Canada, le Mexique, ou bien certains pays européens (les chapitres étant les différentes branches de gangs bikers) L'élément du paysage apparait alors comme essentiel : décors grandioses et infinis, supports de grandes étendues permettant de se sentir libre et à la fois perdu dans l'immensité, la route gardant une importance capitale pour sillonner ces espaces et retrouver son chemin.

• Définition géographique et chiffres
C'est dans la région du Queensland et de l’Australie Méridionale que la présence de gangs est la plus forte. Adelaïde peut être considérée comme la capitale biker de l'Australie : cette contre-culture s’y est développée et y a prit toute son ampleur. Sont également populaires chez les bikers les régions de Victoria (Melbourne) et de Nouvelle Galles du Sud (Sydney). Les gangs sont assez nombreux en Australie, puisqu'il s'en compte aujourd'hui plus de 35. Parmi eux, les Bandidos, les Hells Angels, les Gyspy Jockers ou les Comancheros, tout comme les Notorious, les Nomads, Rebels… Les Bandidos, les Hells Angels et Comancheros sont les gangs les plus connus. Le groupe des Rebels est le plus grand gang hors-la-loi d'Australie, et l'un des plus populaires.
http://www.vice.com/en_uk/read/australian-bikies-protested-tough-new-anti-association-laws
Il ne faut cependant pas faire d'amalgames et bien opérer la distinction entre les gangs considérés comme criminels et hors-la-loi (Outlaw Motorcycle Club, ou OMCs), et ceux simplement crées sous formes d’associations pour apprécier les loisirs de la moto (Recreational Motorcycle club, ou RMCs). Tous les gangs bikers ne sont pas impliqués dans des activités criminelles ou illicites, même si nombre de leurs membres sont en relation avec le secteur criminel.

• Les bikers australiens : "Le gang des 1%" et les dates historiques de la guerre des gangs

En 1947 à Hollister aux Etats Unis, après un rassemblement massif de bikers pour célébrer l’Independence Day, un journaliste évoque pour la première fois la théorie des 1%, qui représenterait selon lui la part des membres hors-la-loi parmi tous les bikers. Ce pourcentage n’était bien sûr pas représentatif de la réalité, mais pourtant les bikers l’ont revendiqué comme une fierté : celle de faire partie d’un catégorie inclassable et rare. C’est devenu un symbole fort et certains, comme les membre du Outlaw Motorcycle Club, se proclament comme faisant partie du club des 1%.
http://www.segag.org/mcgangs/mcglossory.html
De nombreux conflits entre les gangs hors-la-loi ont marqué l'histoire des bikers australiens, comme le Milperra Massacre en 1984, opposant des groupes rivaux du gang des Comancheros, entrainant la mort de 7 personnes et comptant 28 blessés. Plus récemment, suite à ce type de conflits le 23 mars 2009 un membre des Hells Angels a été abattu à la vue de tous dans une aérogare de l'aéroport de Sydney.
http://content.time.com/time/world/article/0,8599,1888288,00.htm
Ces deux dates importantes ont marqué la population, facilitant une condamnation des gangs par les autorités. Ces différents gangs de malfaiteurs sont associés à des activités criminelles et ont bien souvent des connections avec la mafia du pays : contrefaçon, extorsion, blanchiment d’argent, vente et recel d’armes, vente de drogues, prostitution…
http://uk.askmen.com/top_10/entertainment/top-10-notorious-biker-gangs_9.htm

• Rôle de la presse dans la perception des bikers par les populations et inscriptions dans la recherche académique
La presse joue un rôle fondamental dans la perception populaire des bikers : de nombreux articles de presse accentuent la vision négative et le comportement agressif et dangereux de ces gangs, renforçant ainsi les stéréotypes et idées reçues.
On retrouve bien cette idée dans le livre Outlaws : the truth about Australian bikers d’Adam Shand, qui nous propose une vue d’ensemble sur les gangs bikers hors-la-loi en Australie.
Les outlaws australiens ont fait de manière générale l’objet de nombreuses enquêtes sociologiques et anthropologiques, ce qui les inscrit définitivement dans la recherche académique : Arthur Veno, un spécialiste de la culture biker australienne, a écrit The Brotherhoods : Inside the Motorcycle Clubs publié en 2004, ainsi que The Mammoth Book of Bikers publié en 2007.

• Lois mises en place pour une réduction de la criminalité
Comment les autorités ont-elles réagi face à ces gangs ? Les lois passées par l’Etat du Queensland font polémique depuis plusieurs mois en Australie. Campbell Newmann, premier ministre de la région du Queensland, dans le Nord tropical de l’Australie, a déclaré une guerre ouverte aux gangs bikers hors- la-loi de l’état depuis 2009. Il propose donc en octobre 2013 une loi anti-association, qui interdit la réunion de plusieurs membres d’un club donné : les membres de gangs n’ont pas le droit de porter les couleurs du club ou tatouages qui pourraient indiquer leur appartenance à un club biker hors-la-loi. Aujourd’hui vingt-six associations sont considérées comme illégales. La loi est également connue sous le nom de Vicious Lawless Association Disestablishment Act 2013.
http://edition.cnn.com/2013/10/16/world/asia/australia-bikies-law-tattoo/
http://news.nationalpost.com/2013/10/16/in-move-out-of-mad-max-australia-creates-bikers-only-prison-to-deal-with-warring-motorbike-gangs/
http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-24516187
Cependant l'institution de cette loi se heurte à un problème déjà évoqué précédemment : l'amalgame entre les OMC et les RMC. Le risque est donc de voir impliqués des individus non criminels. Aujourd’hui, plus de 500 membres de gangs criminels ont été interpelés et la loi semble donc ‘‘fonctionner’’. Pourtant, il semble également que des membres de club bikers non criminels, et seulement de loisirs, aient été harcelés par la police du Queensland : ils font l'objet d’arrestations et d'interrogatoires remettant en cause leur mode de vie alors qu'ils ne sont en rien criminels. La loi semble donc s’appliquer à un public plus large que prévu, ce qui n’était pas l’intention première.
http://www.brisbanetimes.com.au/queensland/police-commissioner-sorry-for-inconveniencing-harassed-biker-20140113-30pxh.html#ixzz2rEDejcuW
http://www.youtube.com/watch?v=df1tWCt-SSY

Des lois remises en cause et contestées
Ces lois fortement controversées sont à l'origine d'un mouvement de contestation, de nombreuses manifestations se sont déroulées dans le Queensland ainsi que dans d’autres états d’Australie. La résistance contre ces lois liberticides, se propage internationalement : des manifestations sont prévues à Londres le 26 janvier, jour de l’Australia Day (fête nationale de l’Australie). Le phénomène a donc gagné en ampleur et popularité.
http://www.brisbanetimes.com.au/queensland/bikie-protests-go-international-20140114-30t4z.html#ixzz2rEGuCyJH
http://www.independent.co.uk/news/world/australasia/australian-state-of-queensland-adopts-populist-hardline-laws-reminiscent-of-soviet-russia-and-hitlers-germany-9040144.html
Cet article introductif sur les gangs bikers australiens montre que la presse joue un rôle important dans la perception des gangs bikers australiens, qu’elle véhicule de nombreux stéréotypes à propos de ces clubs. La culture biker et tout ce qui s’y rapporte est très populaire en Australie, et fait l’objet de beaucoup d’attention. On trouve sur les chaines de télévision nationales, des shows de télé réalité mettant en scène des membres de bikers hors-la-loi, ou bien des séries, comme Gangs of Oz diffusée en 2009, ou bien Bikie Wars: Brothers in Arms, diffusée en 2012. La présence récurrente de ce thème dans la littérature, le cinéma, la télévision et la presse est la preuve que les gangs bikers hors-la-loi sont source de fascination pour la population. Ils sont craints et pourtant sont le sujet de programmes de divertissement. De plus, la controverse est alimentée par une question relative aux droits fondamentaux qui ne peut être écartée : est-ce acceptable d’adopter des lois discriminatoires dirigées contre un groupe social précis de la population ? Est-ce en adéquation avec l’état actuel de la démocratie australienne ? Le sujet reste source de débat et la question n’est pas encore résolue.
http://www.occupy-sydney.org/2013/10/ban-anti-biker-laws-dec-1st-all.html
La présence de ces lois, autant discriminatoires soient-elles, ne doit pas effacer le fait que certains membres de ces gangs ont une implication dans les activités criminelles du pays. Comment peut-on donc résoudre ce problème de société sans pour autant entraver les libertés individuelles ?


Références : Shand, Adam, Outlaws : The Truth about Australian Bikers, Allen and Uwin, 2011.


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