Le Fabuleux Destin du Biker Américain au cinéma

Caroline Magnin

Tout commence...

… à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Les vétérans américains rentrent au pays après quatre années de conflit et rapportent avec eux souvenirs traumatiques et autres difficultés à se réadapter à la vie civile. La moto émerge alors comme un moyen de retrouver à la fois aventure, poussées d'adrénaline et esprit de camaraderie, typiques de la vie militaire. L'embryon de communauté biker qui existait alors se voit renforcé par l'afflux de ces anciens combattants qui viennent y rechercher un certain sens du danger, absent de la monotonie de leur nouvelle vie quotidienne.

Les Émeutes de Hollister
Au début du mois de juillet 1947, la petite ville de Hollister en Californie se prépare à accueillir, comme chaque année, un rassemblement de motards organisé par l'American Motorcyclist Association. L'événement n'a pas eu lieu depuis plusieurs années à cause de la guerre et provoque ainsi un engouement particulier qui explique en partie le déferlement des motards qui viennent soudainement doubler la population de la ville. Des incidents éclatent alors en partie à cause de l'état d'ébriété de certains motards ; l'événement est relayé et dramatisé par la presse, notamment par le magazine Life, connu pour présenter de larges photographies et peu de texte d'analyse. Commence alors à se former dans l'imaginaire commun l'image d'un motard violent et hors la loi qui se déplace en gang.




Les films emblématiques : peinture d'une fresque sociale
Les émeutes de Hollister sont considérées comme à la base de l'inspiration du film L'Equipée Sauvage de László Benedek, sorti en 1953. On y retrouve deux bandes rivales de motards, les 'rebelles noirs' de Johnny Strabler, et les 'scarabées' de Chino, qui terrorisent une petite ville de Californie. Le film contribue à la popularité de l'engin lui même, puisqu'on peut y voir différents modèles de moto, comme la Triumph Thunderbird 650 cc de Johnny, et la Triumph 200 cc Tiger Club de Chino. On peut citer quelques autres films qui constituent ce noyau de l'identité du biker rebelle, comme Les Anges Sauvages de Roger Corman, sorti en 1966. L'affiche du film est particulièrement frappante, avec sa horde de motards qui semblent foncer droit sur le spectateur, et son slogan : « Their credo is violence... Their God is hate... and they call themselves 'The Wild Angels' » (« Leur crédo est la violence... leur dieu la haine... et ils se donnent le nom d' 'Anges Sauvages' »). De même, la Guerre des Anges d'Anthony M. Lanza (1967) fait le portrait du chef d'une bande de bikers, qui part à la poursuite du chef d'une bande rivale qui a enlevé et brutalise sa petite amie. Mais au-delà de la violence, c'est la liberté qui caractérise le motard américain et qui fait de lui une figure contre-culturelle par excellence, à cette époque de rébellion généralisée de la jeunesse contre l'ordre établi. Le film Easy Rider de Dennis Hopper, sorti en 1969, nous fait partager la traversée des Etats-Unis de deux amis bikers, Wyatt et Billy, qui revendent de la drogue achetée au Mexique à Los Angeles avant de partir à la Nouvelle Orléans pour le Carnaval.

   


Les icônes du mouvement biker au cinéma
C'est à travers ces films que le biker américain prend successivement les traits de Marlon Brando, James Dean, Peter Fonda ou Dennis Hopper pour le public américain. La vie personnelle de ces acteurs contribue à faire d'eux de véritables mythes vivants. James Dean, amateur de courses automobiles et des conduites dangereuses, meurt au cours d'un tragique accident de voiture à seulement 24 ans. De même, les images de Marlon Brando posant avec sa moto deviennent vite emblématiques et sa moto dans le film fait envie à James Dean qui décide d'en acheter une semblable. C'est toute son attitude qui fait de lui la figure du rebelle par excellence, jusqu'à son parler nonchalant qui lui vaudra le surnom de 'Mr Mumble'.


 



Mythologisation du mouvement et détournements
A partir des années 1970, la figure du biker connait un phénomène de déclinaison, déconstruction voire de contre-emploi. Dans le film de 1973 Dérapage contrôlé, le héros n'est autre qu'un policier à moto de petite taille, privé du glamour viril du biker traditionnel. De plus, on se place cette fois du côté de l'autorité et plus des hors la loi, comme dans la série télévisée ChIPs, diffusée entre 1977 et 1983, qui présente les aventures de deux policiers à moto de la Brigade des Autoroutes de Californie. Dans Rusty James, de Francis Ford Coppola (1983), le jeune héros aimerait revivre la grande époque de la culture biker ; l'affiche est assez symbolique de ce point de vue : la moto est prise en contre-plongée, ce qui lui confère un caractère dominant et impressionnant, mais l'affiche est en noir et blanc : cette époque apparaît comme révolue. Enfin, on peut noter la perte de la dimension politique et sociale de la culture biker dans Harley Davidson et l'Homme aux santiags, un film de Simon Wincer sorti en 1991. L'accent est mis sur l'amitié des deux héros et la moto devient plus un symbole de fraternité, d'entraide masculine, que de rébellion. Le motard américain d'antan continue de faire rêver aujourd'hui, mais il semblerait que la violence gratuite ne soit plus si facilement justifiée ; on peut prendre pour exemple le succès de la série télévisée Sons of Anarchy, diffusée pour la première fois aux Etats-Unis en 2008 et en France en 2009, qui suit un groupe de bikers qui fait régner l'ordre dans la ville de Channing, entre dealers et trafiquants d'armes. Si les protagonistes inspirent respect et admiration, c'est désormais parce qu'ils contribuent à garantir harmonie et légitimité et ne menacent plus l'ordre établi. Le biker se serait-il trahi ?






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